Enseigner la maîtrise de soi 3 : connecter et encourager

Ecrit par Catherine Wilson

Cet article est le dernier d’une série de trois articles. Cliquez ici pour lire le premier ou le deuxième des articles précédents.

 

Il y a des questions importantes qu’il serait bon que tous parents se posent concernant l’éducation de leurs enfants :

– Les stratégies de discipline que j’utilise sont-elles vraiement la meilleure façon d’enseigner la maîtrise de soi à mon enfant ?
– L’aideront-elles à gérer ses émotions lorsqu’il interagit avec les autres ? 

L’équipe de conseillers de Focus Famille Canada s’est fortement intéressée à une approche éducative développée par la psychologue pour enfants, Karyn Purvis, et son collègue, David Cross, travaillant tous deux pour l’Institute of Child Development de l’Université chrétienne du Texas.

Ils ont en fait développé leur méthode, appelée Trust-Based Relational Intervention (Intervention relationnelle basée sur la confiance), pour offrir aux parents adoptifs et aux familles d’accueil des stratégies de discipline pour les enfants en difficulté. Les résultats ont changé des vies. Les enfants qui, à cause de leur passé, éprouvaient de la difficulté dans leurs relations ont amélioré de façon spectaculaire leur comportement et leur capacité à faire confiance à leurs parents adoptifs.

L’une des forces fondamentales de l’approche de Purvis et Cross est qu’elle maintient un lien d’affection et de tendresse entre le parent et l’enfant durant tout le processus disciplinaire. Plutôt que d’opter pour le scénario du parent qui se dresse contre son enfant, « Tu as fait ça ! Donc ta punition sera ça… », le parent et l’enfant travaillent ensemble, ils s’allient dans un combat pour résister au péché et pour pratiquer la maîtrise de soi. L’objectif de la discipline est de former et non pas de punir. Il s’agit, pour le parent, de mettre l’emphase sur le modelage des comportements privilégié et d’offir à l’enfant des opportunités de s’entraîner en suivant l’exemple de ses parents.

Purvis et Cross ont pris soin de façonner leur méthode en se basant sur les Saintes-Écritures et en s’inspirant de la grâce et de la miséricorde que notre Père bien-aimé déploie sur nous. Docteur Karyn Purvis, après « avoir passé des années à tenter de comprendre et d’appliquer la miséricorde pratique de Dieu », écrit : « Je crois que le style parental de cette méthode reflète tout l’amour que Dieu a pour nous, ses enfants ».

Dans cet article, nous nous penchons sur quelques-unes des stratégies de discipline que les docteurs Purvis et Cross recommandent.


Revoir notre perspective
 

Avant toute chose, Purvis et Cross incitent les parents à être pleinement présents lorsqu’un problème de discipline survient. Plutôt que de considérer la discipline comme un inconvénient ou une interruption dans vos activités, voyez-la comme étant votre tâche la plus importante de la journée. Les deux auteurs exhortent les parents à « changer leur mentalité afin d’arriver à voir qu’un mauvais comportement n’est pas un tracas, mais une opportunité d’enseigner de nouvelles compétences à leur enfant ».

De plus, il est très important que vous vous projetiez dans un rôle de guide compatissant, patient et encourageant lorsque vous disciplinez votre enfant. Purvis et Cross encouragent les parents à se remettre en question : « Ai-je le réflexe de le pointer du doigt ? Est-ce que j’adopte une posture agressive, mâchoire serrée et mains sur les hanches ? Quel message prend-il au premier degré ? Sommes-nous opposés – ou est-ce que nous formons une équipe, lui et moi ? »

Si vous avez tendance à vous emporter, à crier ou à menacer votre enfant lorsqu’il agit mal, dites-vous que, même si votre but est de le faire changer de voie, de telles réactions iront probablement à l’encontre de ce que vous tentez de faire. Comme Purvis et Cross prennent soin de le mentionner, un enfant, qui se sent menacé ou qui a peur, aura du mal à maîtriser une nouvelle habileté. Il s’agit d’une simple question de physiologie humaine – bien plus que de l’entêtement de l’enfant. Le stress et la peur provoquent une cascade biochimique physique qui réduit notre habileté à penser clairement et qui ainsi sabotent toute tentative d’apprentissage.

 

Mettre un frein aux mauvais comportements

Lorsque votre enfant à un comportement inacceptable, Purvis et Cross recommandent une stratégie qui, de manière générale, ressemble à ceci :

1.    Réagissez au comportement immédiatement et calmement, et rapprochez-vous de votre enfant. Il a été prouvé que si l’on répond à un comportement de l’enfant, bon ou mauvais, dans les trois secondes qui suivent, il en tirera un apprentissage.
2.    Obtenez sa pleine attention en vous mettant à genoux et en le regardant droit dans les yeux. Parce que vous êtes physiquement proche, et que vous lui accordez votre pleine attention, il sera appelé à faire de même. Il s’agit de bien connecter avec l’enfant.
3.    Indiquez simplement à votre enfant ce qu’il a fait de mal.
4.    Encouragez-le à exprimer à haute voix ses besoins.
5.    Indiquez-lui des façons plus appropriées de satisfaire ces besoins.
6.    Offrez-lui la chance de s’entraîner, par exemple en reformulant sa demande, ou en mettant en œuvre les solutions que vous avez trouvées ensemble.

Au final, il s’agit non seulement d’avoir aidé l’enfant à corriger son comportement, mais également de se sentir satisfait d’avoir fait avancer notre enfant et que lui se sente également satisfait face à une réussite.

 

Quoi dire ?

Dans leur livre, The Connected Child (L’enfant Connecté), Purvis et Cross proposent des scénarios simples que les parents peuvent utiliser lorsqu’ils engagent le dialogue avec leur enfant à la suite d’un mauvais comportement. Voici l’un de ces scénarios, utilisé par une maman :

« Jacob, ce n’est pas acceptable de frapper Sam. Je peux voir que tu es en colère parce qu’il a pris ce jouet, mais nous traitons les gens avec respect. Sers-toi plutôt de mots pour exprimer tes besoins. »

La stratégie derrière ce scénario est bien plus importante que ce que nous pouvons imaginer. Décomposons-le et voyons voir pourquoi un scénario comme celui-ci peut être utile.

 

Soyez simple et concis

Avez-vous remarqué que la maman utilise des phrases courtes et un langage simple ? Cette attitude renvoie à la notion de stress abordée précédemment. Sous l’emprise d’émotions fortes – telle que la colère – votre enfant aura du mal à comprendre ce que vous lui dites si vous lui faites part de réflexions complexes (comme, par exemple, si vous lui faites la morale). Des phrases simples et concises sont beaucoup plus faciles à comprendre et à mémoriser.

Dans l’exemple ci-dessus, la mère commence en disant « ce n’est pas acceptable de … ». Brièvement et simplement, elle s’assure que son enfant comprend exactement ce qu’il a fait de mal. Le problème qu’elle soulève est le comportement, et non pas l’enfant.

Par la suite, la maman aide son enfant à faire un lien très important dans l’apprentissage de la maîtrise de soi : reconnaître l’émotion qui a précédé le mauvais comportement. (Pour plus de détails sur ce liens en émotions et maîtrise de soi, consulter le premier article de cette série.)

La maman termine en disant : « Sers-toi plutôt de mots… ». De cette façon, elle aide l’enfant à assimiler un autre concept crucial dans l’apprentissage de la maîtrise de soi : pour satisfaire mes besoins, je dois en parler avec les autres – et non pas commettre des actions inappropriées.

 

Renforcer les règles de base

Nous avons mis de côté l’une des phrases du scénario ci-dessus, mais elle est tout aussi importante. L’affirmation « nous traitons les gens avec respect », renvoie à une autre stratégie clé présentée dans The Connected Child. Purvis et Cross encouragent les parents à établir des règles maison de base, de les répéter souvent, et d’aller plus en profondeur au fil des différentes situations qui surviennent. Voici quelques-unes de ces règles, qu’ils appliquent fréquemment dans leurs interactions avec les enfants :

  •    Nous traitons les gens, et leurs effets personnels, avec respect.
    •    Les gens ne sont pas là pour que nous les blessions.
    •    Nous ne faisons pas souffrir les gens.
    •    Nous traitons les jouets avec respect.
    •   On se concentre et on finit ses tâches.
    •    En famille, il faut se serrer les coudes.

Lorsque vous devez intervenir et discuter d’un mauvais comportement, répétez la règle concernée à votre enfant, ce qui l’aidera à se rappeler quel est le comportement à adopter dans une telle situation. Cette stratégie peut sembler très simple à première vue, mais elle est très efficace.

 

Permettez à votre enfant de s’entrainer

Purvis et Cross mettent l’emphase sur l’importance, lorsque vous disciplinez vos enfants, d’offrir des opportunités de s’entraîner à bien se comporter. Les deux auteurs ajoutent que « des recherches ont démontré que la mémoire motrice peut surpasser la mémoire cognitive des enfants en bas âge. Aussi, le fait d’exploiter la mémoire motrice améliore la capacité de compréhension et la mémoire chez les enfants plus âgés et chez les adultes. […] Parler, écouter, toucher et mettre en pratique…  Voilà de très bonnes façons pour les enfants de bien assimiler une nouvelle leçon ».

Revenons à notre scénario initial pour un instant. Voici à quoi peut ressembler une discussion qui permet à un enfant de s’entrainer à mieux interagir avec les autres :

Maman : Jacob, ce n’est pas acceptable de frapper Sam. Je peux voir que tu es en colère parce qu’il a pris ce jouet, mais nous traitons les gens avec respect. Sers-toi plutôt de mots pour exprimer tes besoins. 
Jacob : C’est ma voiture ! Je la veux ! 
Maman : Comment pourrais-tu expliquer cela à Sam avec respect ?
Jacob : Sam, est-ce que je peux ravoir ma voiture s’il te plaît ? 
Maman : Bravo, Jacob ! Voilà qui est clair et très respectueux. 

 

Un autre outil que recommandent Purvis et Cross est la reprise: re-faire l’action. Si un enfant est « pris en flagrant délit », le parent peut tout à fait répondre légèrement et de façon plaisante, une affirmation du genre : « Wow ! Reprenons. Redis-moi cela, mais avec respect cette fois-ci ».

La reprise vous permet de « reculer dans le temps » si nécessaire. Par exemple, vous pourriez dire : « Ok, je retourne me placer où j’étais, juste ici. Et toi, tu étais debout, juste là. Reprenons la scène du début ». Si l’enfant se soumet au jeu, il n’y a pas de drame, pas de punition ; la situation ne s’aggrave pas. Le parent a simplement encouragé son enfant à adopter un comportement plus approprié et l’a aidé à assimiler cette leçon par la pratique.

 

Enseigner la négociation

Même si votre enfant devrait toujours obéir à vos demandes directement, il est très important de lui enseigner que vous êtes aussi ouvert à la négociation, si les circonstances s’y prêtent. Purvis et Cross appellent cela le compromis. Par exemple, à un enfant qui est triste car il est temps d’aller au lit, vous pouvez dire : « Aimerais-tu que l’on fasse un compromis ? Tu peux rester encore 10 minutes. Toutefois, ta part du marché est que lorsque le temps sera venu, tu iras te coucher rapidement sans te plaindre et sans traîner ».

Une fois que votre enfant comprend le concept, vous pouvez introduire la notion de compromis dans ses interactions avec les autres. Par exemple : « Sam veut la voiture. Alex la veut lui aussi. Pourriez-vous vous mettre d’accord et trouver un compromis ? »

 

Chaque chose en son temps

Vous concentrer sur la discipline et le réapprentissage n’a de sens que si votre enfant est en état de recevoir ce que vous tentez de lui inculquer. Lorsqu’un enfant a un mauvais comportement, demandez-vous toujours, avant de faire quoi que ce soit : de quoi mon enfant a-t-il le plus besoin tout de suite ?  Voici une liste qu’il vaut parfois mieux revoir mentalement avant d’agir :

  • Mon enfant a-t-il besoin de moi ? Du temps de qualité avec maman ou papa est peut-être plus important que la discipline. Parfois, les enfants réagissent mal s’ils se sentent délaissés.
  •  Est-ce que des émotions intenses masquées telles que l’anxiété ou la tristesse peuvent provoquer ce comportement ? Si oui, l’écoute empathique est probablement la meilleure approche. (L’écoute empathique est expliquée dans le deuxième article  de cette série.)
  •  Est-ce que mon enfant est fatigué ou malade ? A-t-il faim ou soif ?

Remettre la discipline à plus tard pour donner une collation à votre enfant ou pour lui laisser le temps de se reposer ne veut pas dire qu’il s’en tire à bon compte. Vous pouvez toujours faire en sorte de revenir sur l’incident pour en discuter plus tard. En fait, une pause pour se ressaisir est une opportunité d’enseigner à votre enfant le concept de conscience de soi qui précède la maîtrise de soi. Par exemple, imaginez tous les bienfaits d’enseigner à un enfant à dire à son frère : « Je suis désolé, Sam. Je suis trop fatigué pour jouer en ce moment. Pourrions-nous jouer un peu plus tard, lorsque je me serai reposé ? »

Voici le lien vers le premier article : Enseigner la maîtrise de soi 1 : identifier ses émotions.

Lisez le deuxième article ici : Enseigner la maîtrise de soi 2 : réagir de façon constructive.

 

Catherine Wilson est éditrice et auteure chez Focus Famille Canada.

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