Les mots qui blessent : Votre conjoint fait-il preuve de violence psychologique ?

Ecrit par Todd Foley

Caroline savait qu’elle devait en parler à son mari Jerry, mais il lui fallait trouver le courage de lui exprimer ce à quoi elle pensait.

Elle finit par lui dire qu’elle réfléchissait à l’idée de retourner sur les bancs d’école, pour poursuivre ses études.

« Quelle idée ! », lui répondit sèchement Jerry. « La dernière fois que tu as pris des cours, tu as échoué, il n’y a pas de raison que tu réussisses mieux cette fois-ci. Tu n’arriveras jamais au bout de ce programme. Ça reviendrait à jeter notre argent par les fenêtres. »

Aucun coup n’avait été porté lors de cette conversation, mais des blessures avaient bien et bien été infligées.

Ceci n’est pas un simple échange entre époux. C’est un exemple classique de violence psychologique au sein d’un couple. Le plus triste dans ce genre de situation, c’est que des femmes comme Caroline ne savent parfois même pas qu’elles sont dans une relation abusive, et encore moins ce qu’elles peuvent faire pour y remédier.

Qu’est-ce que la violence psychologique exactement ? Comment faire pour la reconnaître ? Et, que faire si vous découvrez que vous êtes dans une relation destructrice ? Tout au long de cet article, nous vous présentons des conseils pratiques et les points de vue d’experts matrimoniaux afin de vous aider à répondre à ces questions difficiles.

Qu’est-ce que la violence psychologique ?

Contrairement à la violence physique, la violence psychologique ne laisse pas de trace visible, ce qui la rend souvent très difficile à déceler.  Il existe peu de statistiques sur la fréquence de la violence psychologique, car nombre d’individus ne réalisent pas que leur relation est toxique sur le plan émotionnel, et ne parviennent donc pas à mettre des mots sur leur situation. Voici comment certaines institutions et organisations définissent ce type de violence :

  • « Quand une personne est agressée, insultée, menacée, humiliée verbalement ou se fait crier dessus par l’un de ses proches. »

Fraser Health Authority

  • « Tout comportement pouvant nuire au sentiment d’identité, à la dignité et à l’amour propre de quelqu’un. »

Vancouver Coastal Health Authority

  • « Tout comportement qui n’affirme ni ne nourrit le sentiment d’identité propre d’une personne. Comportement d’une personne qui agit au contraire de manière intentionnelle et délibérée dans l’intention de nuire à l’identité et à la force personnelle d’une autre personne. »

Pauline Jewett, Institute of Women’s and Gender Studies, Carleton University

Toute forme de violence – physique, sexuelle ou économique par exemple – est destructrice pour une relation. Mais la particularité de la violence psychologique, c’est que la personne victime de violence psychologique se sent souvent invisible et insignifiante. « Le fait de se sentir invisible est presque plus difficile à supporter que d’être victime d’un comportement agressif envers vous », affirme Karin Gregory, conseillère autorisée chez Focus on the Family Canada. « La violence physique dit : tu n’en vaux pas la peine. La violence et la négligence psychologiques disent : tu n’existes même pas. »

Comment reconnaître la violence psychologique dans votre mariage?

Pour savoir reconnaître si vous êtes dans une relation de violence, Karin Gregory affirme qu’il est important de faire la différence entre violence et conflit. « Les conflits entre époux font partie de la vie, et il est sain d’avoir chacun vos propres opinions », explique-t-elle. « La violence psychologique est une domination intentionnelle, une dynamique de pouvoir choisie par quelqu’un qui utilise ce comportement pour avoir du pouvoir, pour dominer et contrôler l’autre », continue-t-elle.

La thérapeute Gwen Scott affirme que la violence psychologique peut durer des années avant qu’elle ne soit détectée. « Les femmes victimes de violence psychologique ignorent souvent que le comportement de leur époux est violent », écrit-elle. Elle ajoute que « ces femmes se demandent secrètement si la situation est la même dans les autres mariages [et] elles ont trop honte pour confier à quiconque ce qui se passe chez elles ».

L’auteur Leslie Vernick conseille d’être attentif aux signes physiques qui vous permettront de déterminer si vous êtes dans une relation de violence psychologique :

« Vous serrez les dents, votre cœur palpite, votre estomac se serre, décrit-elle. Votre corps vous dit que quelque chose ne va pas. À chaque fois que vous tentez d’avoir une conversation normale comme tout le monde pour résoudre un problème ou un conflit, cela se transforme en une attaque envers vous. »

Dans son livre The Emotionally Destructive Relationship, Leslie Vernick écrit que ces signes ne semblent pas toujours problématiques puisqu’ils sont devenus normaux : « Plusieurs d’entre nous ne savent même pas que notre façon d’interagir avec quelqu’un ou la façon dont nous sommes traités est destructrice. Cela semble normal. Parfois, cela peut même être perçu comme de l’amour. Pourtant, comme des termites qui envahissent silencieusement une maison, avec le temps, les traces cachées de cette destruction deviennent vite indéniables ».

Ces traces peuvent se manifester dans votre propre comportement. Est-ce que vous sentez que vous vous excusez constamment pour les actions de votre conjoint ? Est-ce que vous sentez que vous avez besoin de changer des choses sur vous-même pour répondre à ses demandes ? Karin Gregory affirme ces deux points sont des caractéristiques que l’on retrouve systématiquement chez les personnes victimes de violence psychologique.

Elle explique que : « l’état d’esprit dans lequel se trouve cette personne est : je dois changer cela parce que ce n’est jamais assez bien. Je ne suis jamais à la hauteur. Je l’ai déçu, encore une fois, donc que puis-je faire pour résoudre cela ? »

Quelles sont les premières choses à faire ?

L’étape la plus difficile de ce processus est probablement de reconnaître que vous êtes victime de violence psychologique, et que votre époux est violent envers vous. En effet, cela va à l’encontre du sentiment de culpabilité et du fait de s’excuser en permanence, ce qui peut être terrifiant selon Karin Gregory. Le plus difficile à admettre, ajoute-t-elle, c’est que la violence psychologique est susceptible de survenir tant dans les mariages chrétiens que dans les mariages non chrétiens.

Elle ajoute également qu’il arrive qu’une personne dans une situation de violence psychologique la contacte [pour des services de relations d’aide] et lui demande : Comment puis-je devenir une meilleure épouse chrétienne ? Comment puis-je devenir plus soumise et aimante pour mon époux ? « Quand je commence à parler avec ces femmes, leurs questions deviennent rapidement : « Comment résoudre le problème qu’il a créé ? Tout change tout le temps et je ne sais jamais quelles sont les règles. » Dans ce contexte, lorsque je commence à aborder la vérité de l’abus avec elles, c’est en fait souvent la première fois que la personne s’avoue cette vérité à elle-même ».

Leslie Vernick explique aussi que même si le problème dans votre relation n’est pas nécessairement de votre faute, une constante attitude d’humilité peut encourager votre conjoint à garder ses habitudes destructrices.

Elle explique que « nous tenons à être gentils parce que nous pensons que c’est ce que Dieu attend de nous. Le problème, c’est que quand nous ne sommes pas intègres vis-à-vis de nos propres limites et que nous ne sommes pas honnêtes avec notre identité individuelle, nous tentons de devenir Dieu pour une autre personne. C’est lorsque vous fermez les yeux sur vos propres limites que la relation devient dysfonctionnelle et destructrice pour les deux époux ».

Que dit la Parole de Dieu sur vous ?

La vérité concernant la santé de votre mariage est-elle trop difficile à supporter ? Karin Gregory recommande de vous plonger dans les Saintes Écritures afin de vous voir à travers la vérité biblique. « Vous n’êtes peut-être pas prêt à en parler à qui que ce soit pour l’instant, explique-t-elle, mais si vous vous concentrez sur ce que Dieu dit de vous – Je t’appelle par ton nom, tu es à moi – cela peut être un excellent point de départ lorsque tout ce que vous avez entendu sur vous, c’est ce que vous n’êtes pas. »

Commencez avec de simples passages des vérités bibliques :

  • « C’est toi qui as formé mes reins, Qui m’a tissé dans le sein de ma mère. Je te loue de ce que je suis une créature si merveilleuse. Tes œuvres sont admirables, Et mon âme le reconnaît bien. »  (Psaumes 139.13-14)
  • « Car nous sommes son ouvrage, ayant été créés en Jésus Christ pour de bonnes œuvres, que Dieu a préparées d’avance, afin que nous les pratiquions. » (Éphésiens 2.10)
  • « Car je connais les projets que j’ai formés pour vous, dit l’Éternel, projets de paix et non de malheur, afin de vous donner un avenir et l’espérance. » (Jérémie 29.11)

Et maintenant ?

Même si vous êtes prêt à reconnaître que vous êtes dans une relation de violence psychologique et que vous arrivez à vous voir à la lumière de la vérité de Dieu, vous aurez peut-être besoin de recourir aux services d’un conseiller, afin d’obtenir un point de vue émotionnellement objectif de la situation.

« Il peut être effrayant d’aller voir le docteur si vous avez une grosseur quelque part, mais si vous n’y portez pas attention, vous ne saurez pas ce que vous avez et vous ne pourrez pas être guéri. De la même façon, il est très important d’ouvrir les yeux et de permettre à Dieu de nous montrer ce que nous avons besoin de voir », affirme Leslie Vernick.

« La personne victime d’abus doit se demander : Qu’est-ce que je suis prête à endurer et qu’est-ce que je ne peux plus accepter ? », explique Karin Gregory. Elle ajoute que si « l’autre n’est pas prêt à effectuer des changements, vous ne pouvez pas le faire à sa place, et vous ne pouvez pas non plus le forcer à changer. Et, si vous ne faites aucun changement, vous connaissez les conséquences puisque vous les subissez déjà. »

Dans son message radiodiffusé, Leslie Vernick propose trois étapes pratiques pour vous aider à orienter votre mariage dans une autre direction.

  1. Exprimez-vous.Parlez à votre époux avec respect, mais soyez honnête et dites-lui ce que vous ressentez au lieu de tout garder en dedans et de nourrir de l’amertume et du ressentiment.
  2. Défendez-vous.Établissez des limites dans votre relation. Gardez le contrôle de la situation et définissez vos propres limites plutôt que celles de votre époux. Par exemple, si votre époux est un enragé au volant dites : « Arrête de conduire comme ça ou je n’embarque plus avec toi » plutôt que « Peux-tu aller moins vite lorsque tu conduis ? »
  3. Prenez du recul. Si votre conjoint refuse de revenir vers vous et de se réconcilier après que vous vous soyez exprimé et que vous vous soyez défendu, dites-lui qu’il a besoin de vous respecter ou vous serez forcé de prendre vos distances. Si vous croyez que vous êtes rendu à cette étape, mais que vous ne savez pas trop comment faire, n’hésitez pas à vous tourner vers un thérapeute ou un conseiller professionnel pour être accompagné.

Pour en savoir plus sur les relations abusives et comment les aborder, vous pouvez consulter le livre de Leslie Vernick, Les relations destructrices, disponible sur notre librairie en ligne.

Todd Foley est un éditeur délégué chez Focus Famille Canada.

Ceci est la première partie d’une série de deux articles. Cliquez ici pour lire la suite.

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