Le tout dernier jour de ma vie

Par Alexandra Lopes

Le meilleur conseil que l’on m’ait donné pour vivre sa vie comme une poésie.

Le meilleur conseil que l’on m’ait donné, c’est cette phrase que m’a souvent répétée mon humain préféré quand nous nous sommes rencontrés :

Vis aujourd’hui, tout en pensant au dernier jour de ta vie.

Depuis ce temps, cette phrase trotte dans ma tête et je m’imagine souvent dans soixante ans…

Je me balance dans mon fauteuil à bascule, toute ridée. Mon arthrite me démange et ma mémoire commence à me quitter… je sens que je vais bientôt partir. Alors je regarde derrière moi, et réfléchis à la manière dont j’ai vécu ma vie.

Du haut de mes quatre-vingt-six ans, de quelle manière aurai-je espéré vivre ces précieux jours qui m’ont été confiés?

Enseigne-nous à bien compter nos jours,
afin que notre cœur parvienne à la sagesse!
Psaume90.12

Au dernier jour, je crois que j’aurais aimé vivre en consacrant mon cœur à l’essentiel. En donnant mon temps à ce qui est important.

Car pour être honnête, mon temps, je le perds souvent. Pour des choses futiles, par automatisme, par fatigue, par négligence. Parce que j’oublie que la manière dont je vis chaque journée qui m’est donnée participe à écrire l’histoire qui constitue ma vie. Parce que j’oublie que mon temps sur terre est limité.

Compter mes jours m’inspire au contraire à réfléchir à ce qui me distrait et vole mon temps. Compter mes jours m’inspire à lister ce qui est important.

C’est pourquoi j’ai gribouillé sur un bout de papier les passions, les dons et les relations que je me sens appelée à cultiver. Les choses auxquelles je voudrais consacrer mon cœur durant ces potentielles soixante prochaines années. Une liste d’essentiels que j’espère lire, prier et repenser régulièrement, à mesure que les années continuent de s’écouler.

Je rêve d’accomplir une tâche grande et noble,
mais mon devoir principal est d’en accomplir de petites
comme si elles étaient grandes et nobles.
Helen Keller

Je crois aussi que j’aurai espéré accomplir chaque petite chose qui m’était confiée de manière attentionnée, consciencieusement et avec un grand amour.

J’ai des rêves plein le cœur et je me demande parfois quelle est la mission pour laquelle Dieu m’a créée. Mais si je me souviens bien, Dieu m’a toujours guidée lui-même au moment parfait, sur des belles routes que je n’avais pas imaginées. Du coup, je crois qu’il me faut lui faire confiance pour me guider là où ma vie aura le plus de sens, et me demander à chaque instant quelle est la prochaine petite chose à laquelle je suis appelée : rédiger cet article, envoyer une lettre à une amie, préparer un repas pour mon mari, discuter avec une personne sans abri…

Répondre à ces petites missions qui me sont confiées tout au long de la journée, en y mettant tout mon cœur. Autant de petites choses singulières, qui pourraient impacter pour le bien ma famille, mon quartier, ma communauté. Autant de petites choses qui participent ainsi à faire grandir le royaume de Christ, petit à petit.

Je dois croire que le petit peu d’amour que je sème aujourd’hui
portera de nombreux fruits, maintenant dans ce monde, et dans la vie à venir.
Henri Nouwen

Je crois enfin que j’aurai espéré être une bénédiction pour ceux qui sont sur mon chemin, et avoir créé autour de moi une atmosphère lumineuse et porteuse de paix.

À la fin de ma vie, j’espère que j’aurai su aimer les personnes que Dieu a mises sur mon chemin. Que j’aurai su les accompagner, les écouter, les aider. J’espère que je leur aurai dit, dans mes mots, dans mes silences et par mes gestes, qu’elles sont précieuses. Cependant, moi toute seule, assistée de mes sautes d’humeur, de mes impatiences et de mon égoïsme, je ne peux pas leur offrir un amour parfait. Mais je peux en revanche me ressourcer dans la présence de mon Père céleste, qui nous aime tous d’un amour divin.

À la fin de ma vie, j’espère donc avoir consacré du temps à me laisser aimer par Lui, à le laisser me transformer et m’habiter. Afin que sa présence qui guérit, qui porte paix et espoir dans ce monde apeuré, puisse rayonner, exactement là où il m’a plantée.

Si un jour, j’ai quatre-vingt-six ans, j’espère que je regarderai derrière moi le sourire aux lèvres et le cœur rempli de paix. J’espère que j’aurai vécu ma vie comme on lit une poésie. De manière belle, avec un grand soin et une immense tendresse. Me réjouissant à l’idée de retrouver celui qui m’a accompagnée fidèlement et avec amour depuis mon premier jour, jusqu’au tout dernier.

 

A l’époque de la première publication de cet article, Alexandra Lopes était l’éditrice de Focus Famille. Elle sert désormais le Seigneur avec son mari et leur petite Anna à Nice en France.

Cet article a été publié dans le numéro d’hiver 2016 du magazine Focus Famille. Tous droits réservés. © 2016 par Focus on the Family Canada. Utilisation autorisée