Dieu, les catastrophes naturelles et nous

Par Subby Szterszky

Les tragédies remettent-elles en question l’existence de Dieu ?

Au-delà de leur terrible puissance de destruction physique, les ouragans et autres catastrophes naturelles possèdent un étrange pouvoir spirituel. Ils ont cette faculté de faire ressortir le théologien qui est en chacun de nous. Lorsqu’une catastrophe frappe, elle amène les personnes de toutes confessions – ceux qui n’en professent aucune – à réévaluer leurs croyances au sujet de la mort, de la souffrance et de la présence ou non de Dieu au milieu de tout cela.

Cette faculté a été particulièrement mise sur le devant de la scène ces dernières années, lors de la terrible saison des ouragans en Atlantique. En 2017, les ouragans Harvey, Irma et Maria ont ravagé les Caraïbes et le sud-est des États-Unis. En 2019, c’est l’ouragan Dorian qui a semé son lot de dévastation sur ces mêmes régions et au-delà, alors que certaines villes essayaient encore de se remettre du désastre qui les avait frappées deux ans plus tôt.

Face à des événements aussi destructeurs, les athées auront tendance à se trouver justifiés dans leur position. Quant aux croyants, ils vont chercher à comprendre ces tragédies à la lumière de leur foi, tout en voulant aussi défendre leur foi à la lumière de ces tragédies.

Nous chrétiens avons nos propres explications, ainsi que des tentatives de « théodicée » (la pratique de chercher à justifier Dieu, le « tirer d’affaire » en quelque sorte). Pourtant, bien que remplies de bonnes intentions, certaines de ces approches finissent par être en décalage avec la Parole, ce qui les rend inutiles, voire déshonorantes envers Dieu.

L’existence de catastrophes naturelles est l’un des problèmes les plus épineux qui soit pour n’importe quel système de croyances. Il n’existe pas de réponse simple. Cela étant dit, il peut être utile de regarder de plus près la manière dont chacun choisit de relever ce défi.

Les catastrophes naturelles font-elles partie de la volonté de Dieu ?

Pour réconcilier l’idée d’un Dieu bon avec l’existence de ces événements destructeurs, il peut être tentant de penser que les ouragans et autres catastrophes naturelles ne font pas partie de son plan. Certaines personnes vont même plus loin, clamant que Dieu n’a rien à voir avec les désastres naturels, qui ne seraient le résultat que d’activités démoniaques ou de forces physiques qui opèrent en dehors du contrôle direct de Dieu.

De telles affirmations ne peuvent résister face aux Écritures. Dieu lui-même déclare être l’auteur du bien et des calamités (Ésaïe 45.7 ; Amos 3.6 ; Job 1.21-22 ; 2.10). Il est Seigneur de toute la création, ce qui inclut l’intégralité des forces naturelles et des modèles météorologiques. Il ne produit pas uniquement le beau temps et les pluies rafraichissantes, mais aussi la neige, la glace et les tempêtes dévastatrices (Job 37.9-13 ; 38.22-24 ; Psaumes 24.1-2 ; 147.16-18 ; 148.8 ; Matthieu 8.23-27). Affirmer le contraire reviendrait à limiter la souveraineté de Dieu, faisant de lui un dieu impuissant.

Les catastrophes naturelles sont-elles une punition face au péché ?

D’un autre côté, on a l’idée selon laquelle toutes les catastrophes naturelles sont envoyées par Dieu pour punir directement le péché d’un groupe de personnes spécifique. Les êtres humains ont malheureusement cette tendance à penser que si quelqu’un souffre, il doit avoir fait quelque chose pour le mériter. Encore une fois, la Bible nous rappelle que ce n’est pas toujours (ou même souvent) le cas. Il est vrai qu’on peut trouver des occasions où Dieu provoque une catastrophe naturelle en réponse au péché. Cela dit, il consacre également tout le livre de Job, ainsi que d’autres passages des Écritures, à la question de savoir pourquoi des personnes apparemment innocentes souffrent (Job 1.1 et suivants ; Psaume 73 ; Jean 9.1-7).

Dans tous les cas, depuis que la liste des canons de l’Écriture a été clôturée, plus personne n’a l’autorité de dire que l’ouragan X a été envoyé par Dieu pour punir le péché de la communauté Y. Jésus lui-même a exclu ce schéma de pensée. Il a déclaré que la tour de Siloé ne s’est pas effondrée sur 18 personnes à Jérusalem parce que ceux-là étaient particulièrement pécheurs. Il insiste plutôt sur le fait que nous périrons tous de la même manière si nous ne nous repentons pas (Luc 13.4-5).

Où est Dieu dans tout cela ?

Depuis bien longtemps, les sceptiques affirment que si Dieu est capable d’empêcher les catastrophes naturelles mais ne le fait pas, il ne peut pas être parfaitement bon. Inversement, s’il veut le faire mais ne le peut pas, alors il n’est pas Dieu Tout-Puissant. Quoi qu’il en soit, ils en concluent qu’il ne peut pas être Dieu tel que nous l’entendons. Pour de nombreux non-croyants, il s’agit là d’un paradoxe incontournable qui prouve bien que Dieu n’existe pas.

Bien que cet argument paraisse plausible en surface, il s’agit pourtant d’une forme de sophisme, si bien tournée soit-elle. Pour commencer, il s’avère particulièrement peu convaincant d’argumenter que le fait de ne pas pouvoir expliquer quelque chose remette en cause son existence.

De plus, pour que tout le monde reconnaisse la souffrance comme étant quelque chose de mal, il est nécessaire d’avoir une base morale définissant ce qui est bien, ce qui a son tour exige l’existence d’une entité qui pose cette loi morale. Loin de prouver l’inexistence de Dieu donc, les catastrophes naturelles nous rappellent puissamment son existence.

C.S. Lewis détaille ce concept dans son livre Les fondements du christianisme, lorsqu’il relate sa propre conversion : « Mon argument contre l’existence de Dieu était la présence de tant de cruauté et d’injustice dans le monde. Cependant, comment avais-je conçu l’idée de ce qui est juste et injuste ? Un homme ne peut pas définir une ligne comme étant tordue s’il n’a pas au moins une idée de ce qu’est une ligne droite. À quoi comparais-je cet univers quand je le qualifiais d’injuste ? »

Au-delà de tout cela, nous devons nous rappeler que les voies de Dieu sont infiniment plus élevées que les nôtres et qu’il a choisi de ne pas nous révéler toutes ses motivations profondes. Cela dit, même s’il le faisait, nous ne pourrions en comprendre qu’un infime fragment (Ésaïe 55.8-9 ; Psaume 139.17-18 ; Deutéronome 29.29 ; Jean 16.12). Selon Tim Keller, « Si vous imaginez un Dieu infini qui soit assez grand pour que vous puissiez lui reprocher la souffrance dans le monde, alors ce Dieu infini est aussi assez grand pour avoir des raisons de faire les choses que vous ne pouvez pas comprendre. »

La puissance et la gloire de Dieu

Nous pensons habituellement à la gloire de Dieu essentiellement en lien avec sa créativité, sa bonté et son amour, ce qui est tout à fait juste. Cependant, les Écritures affirment également que Dieu manifeste sa gloire à travers sa sainteté, son immense puissance et ses actes de jugement (Exode 7.3-5 ; 11.9 ; 14.1-4, 15-18 ; Romains 9.14-24). Il se révèle non seulement à travers la beauté flamboyante d’un coucher de soleil multicolore, mais aussi à travers la sombre tempête qui explose au-dessus de l’océan, ou le grondement profond d’un tonnerre formé dans l’atmosphère. L’apôtre Paul nous presse de reconnaitre à la fois la bonté et la sévérité de Dieu (Romains 11.22). C’est également ce que nous rappelle le monde naturel.

La fragilité d’un monde déchu

Dans nos sociétés prospères, où richesse et confort nous amènent à des standards de vie élevés, il est facile de se laisser entrainer dans l’idée de notre propre immortalité et la conviction qu’il ne peut rien nous arriver de réellement mauvais. Cependant, ceux qui vivent dans des pays moins développés sont bien plus en contact avec les réalités de la vie dans un monde déchu. Pour eux, la mort et la souffrance sont omniprésentes et très proches, souvent à une inondation ou à une famine près. Dans sa prière, Moïse a demandé à Dieu de nous enseigner à compter le nombre de nos jours pour nous pousser à la sagesse (Psaume 90.12). Quand un ouragan vient frapper nos côtes, cela nous remet face à la réalité de notre mortalité de manière plus évidente que jamais.

Un avertissement du jugement à venir

Bien que nous ne puissions pas (et ne devrions pas) nous permettre de rattacher un quelconque désastre à un péché particulier, nous pouvons (et devons) en tirer une conclusion générale qui se révèle inévitable. Du déluge de Noé à la tour de Siloé et au-delà, toutes les catastrophes de l’histoire annoncent le Jour du jugement dernier, celui où Dieu viendra juger le monde. L’apôtre Pierre fait ce lien de manière explicite en traçant une ligne qui va du déluge, le premier grand cataclysme de l’histoire, jusqu’au dernier : la destruction par Dieu de l’univers tel qu’il existe aujourd’hui, pour le remplacer par les nouveaux cieux et la nouvelle terre, où règnera sa justice (2 Pierre 3.5-13).

Une occasion de manifester l’amour de Dieu

Au milieu de ces réflexions théologiques, il existe le danger réel de se concentrer seulement sur la recherche d’une explication à la souffrance dans notre monde sans chercher aucunement à la soulager. Voilà une position dans laquelle nous ne devrions jamais nous trouver. Il y a peu de choses qui soient aussi nuisibles au témoignage de Jésus que l’orthodoxie sans l’orthopraxie, c’est-à-dire les bonnes croyances sans les bonnes actions (Matthieu 23.23-24).

Plus que tout, il est essentiel de garder à l’esprit que les catastrophes naturelles sont un moyen à travers lequel Dieu peut exprimer sa compassion et son désir de prendre soin de ceux qui souffrent, chose qu’il fait principalement à travers nous, ses enfants. Cela dit, ses enfants doivent aussi savoir pourquoi ils font ce qu’ils font. Les bonnes actions doivent être ancrées dans les bonnes croyances. Cela va de pair. Lorsque nous apportons notre aide à ceux qui en ont besoin, nous devons être prêts à répondre à ceux qui nous demandent : « Où est ton Dieu ? » (Éphésiens 2.10 ; Galates 2.10 ; 1 Pierre 3.14-16)

Les ouragans font de nous des théologiens, certes. Bien plus, ils nous encouragent à adopter une théologie pratique, appliquée – à prier, donner, servir et pleurer avec ceux qui pleurent. Dans ce sens, ils ouvrent les yeux de chacun. Ils permettent de voir que Dieu n’a pas abandonné sa création dans les griffes de la mort mais qu’il a envoyé son Fils pour offrir la vie éternelle et la véritable immortalité (Jean 13.34-35 ; 17.20-23 ; 2 Timothée 1.8-10).

 

Subby Szterszky est le rédacteur en chef de la rubrique Foi et Culture chez Focus on the Family Canada.

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