Le mythe de l’instinct maternel

Est-il vrai que pour devenir une bonne mère il faut se sentir remplie dès l’adolescence d’un profond désir de maternité et d’un infaillible instinct maternel ?

Par Debbie Tretz

J’ai horreur de laver les biberons et les barrières pour bébé me frustrent au-delà des mots. À quelques exceptions près (dont moi), je trouve que tous les nouveau-nés se ressemblent et je ne les trouve pas particulièrement beaux. Je trouve qu’une grossesse de quatre mois et demi suffirait largement et, à mon humble avis, la seule chose vraiment miraculeuse de la naissance, c’est la magie de la péridurale.

À 29 ans, je suis la mère de deux enfants. Mais ce n’était pas ce que j’avais prévu.

Ma mère me dit que je n’ai jamais gravité autour des plus jeunes enfants et des bébés contrairement à ma sœur quand nous grandissions. Quand j’étais adolescente, je redoutais d’être appelée pour faire du baby-sitting et je le faisais alors juste pour l’argent. Prendre soin d’enfants n’est tout simplement pas naturel chez moi. À vrai dire, pendant longtemps, toute personne de moins de 12 ans me terrifiait.

Retournement de situation

Ce fut donc un choc quand je me suis retrouvée enceinte à l’âge de 25 ans alors que j’étais encore étudiante. Mon mari et moi étions mariés depuis quatre ans, mais un n’était certainement pas sur notre liste d’envies immédiates. Nous savions qu’un jour nous voudrions une famille, mais il y a toujours un décalage entre l’idée de conduire un jour ses enfants à la piscine et le fait d’élever vraiment des enfants depuis leur naissance.

Quand la nouvelle de ma grossesse est tombée, j’ai compris que ma vie allait radicalement changer. Jusque-là, mes objectifs de vie se résumaient à passer mon diplôme d’Anglais et lire l’œuvre entière de Charles Dickens. Au lieu de cela, j’allais devoir me plonger dans les contes de fées et autres livres pour enfants. Je me souviens que dans la salle d’attente du médecin, je regardais souvent des mères lire des histoires particulièrement basiques à leurs jeunes enfants, redoutant le jour où, moi aussi, je devrais m’abaisser à ce niveau d’abrutissement. La naissance de notre premier enfant rentrait en concurrence directe avec mes projets personnels et intellectuels.

Les quelques premiers mois de la vie de mon fils ont d’abord confirmé mes craintes. Quand je n’étais pas occupée à prendre soin de ses besoins matériels, j’essayais de me forcer à aimer passer du temps avec mon bébé. J’écoutais des conseils d’experts, et tentais de m’inspirer de leurs mots clés comme « attachement », « temps de qualité », « lien », mais je me sentais perpétuellement coupable. Ces experts conseillaient de faire la lecture à son nouveau-né, mais ce dernier était occupé à observer avec attention la lumière au-dessus de sa tête. Ils conseillaient de parler à son nouveau-né, mais je me sentais idiote en expliquant à un bébé de quatre semaines que : « Tu vois, chéri, maman va mettre le couvert ! » Ces experts voulaient que je joue avec mon nouveau-né, mais jouer à quoi ? Pour être honnête, je le trouvais franchement ennuyeux ! Finalement, j’ai abandonné.

Devenir mère prend du temps

Je ne sais pas à quel moment la transformation a vraiment eu lieu. Peut-être était-ce quand il a commencé à me faire du charme avec son sourire craquant. Ou pendant les longues heures que je passais à prendre soin de lui où je sentais sa douce respiration de bébé contre ma peau. Quoi qu’il en soit, quelque chose a changé. Et il n’a pas fallu si longtemps avant que mon mari et moi commencions à nous régaler en regardant notre fils marcher à quatre pattes dans le salon en pyjama, traînant sa couverture derrière lui. Nous nous sommes regardés avec une joie étonnée quand il a essayé d’apprendre à empiler ses cubes géants. Nous nous sommes précipités juste à temps pour le secourir quand il a découvert que les chevaux à bascule ne sont pas faits pour s’y percher.

Au risque de donner l’impression que la maternité s’est révélé être une sinécure, faisons un bond dans le temps de quatre ans en avant. Je possède désormais un diplôme de premier cycle en langage bébé, avec une double spécialisation en trottinage et petite enfance (je ne suis cependant pas bien sûr de mes notes). Avec un deuxième garçon et l’aîné qui continue de s’épanouir, la plupart de mes journées sont folles et je m’émerveille devant l’effet exponentiel que produit le nombre d’enfants sur le niveau de désordre de la maison (qui peut être directement lié à mon état mental).

Oui, il y a des jours où je reflète cet état, j’avais raison d’être méfiante au sujet de la maternité. Je perds souvent patience et j’oublie mon objectif. Je me compare à d’autres mères douces, plus stimulantes, qui sont plus qualifiées que moi et je conclus encore parfois que, peut-être, je ne suis pas faite pour ça après tout.

Mais grâce à Dieu, je n’ai pas le choix. En dépit de toutes les difficultés, ma vie est plus complète qu’elle ne l’a jamais été. Et juste au moment où je veux tout laisser tomber, quelque chose se passe qui me rappelle que je n’échangerais cette vie pour rien au monde. J’investis l’essentiel de mon temps dans la vie et le bien-être de deux petits garçons qui font encore battre mon cœur quand je les regarde dormir la nuit. D’ailleurs, faire la lecture à mes enfants n’a pas été la corvée à laquelle je m’attendais. Leurs livres préférés les gardent sur mes genoux assez longtemps pour que je puisse sentir la merveilleuse odeur de leurs cheveux et les serrer contre moi. C’est stupéfiant de voir comment Dieu peut préparer nos cœurs à la maternité même si nous ne pensons pas être une personne « maternelle ». Il est si bon envers celles d’entre nous qui sont sous-qualifiées !

Être mère : une responsabilité sacrée

Bien que je sois plus à l’aise avec les enfants maintenant, je trouve encore le lavage des biberons ennuyeux. Je n’aime pas Dora l’exploratrice et je suis souvent agacée par les nombreux « faites ceci » et « ne faites pas cela » des experts en éducation. Mais je pense que je ne m’en sors pas trop mal. Ma merveilleuse mère a elle-même élevé quatre enfants avec succès tout en affirmant qu’elle : « n’aimait pas vraiment les enfants. » Elle disait toujours qu’elle aimait les siens et qu’elle aurait fait n’importe quoi pour eux. Mais elle n’avait jamais eu le désir d’enseigner à l’école du dimanche ou de servir à la pouponnière. Elle nous était pourtant entièrement dévouée comme les autres mères et nous n’avons jamais souffert de manque d’amour ni d’attention.

Heureusement, la maternité, c’est plus que de s’enthousiasmer devant tout ce qui touche de près ou de loin à l’univers des bébés. Il s’agit d’accomplir une mission sacrée donnée par Dieu, pour préparer nos petits à devenir des hommes et des femmes de Dieu qui l’aiment lui d’abord, et qui aiment leur prochain comme eux-mêmes. Aucune mère, si douée soit-elle, ne peut remplir cette tâche par elle-même. Une responsabilité si monumentale demande une dépendance entière à la grâce de Dieu.

Quand notre premier fils est né, nous l’avons appelé Théodore Evan. Nous avons choisi ce prénom pour lui rappeler que nous l’avons reçu comme un cadeau de Dieu. Nous avons choisi son second prénom pour nous souvenir, en tant que parents, que Dieu est grâce. Combien de fois, nous, ses parents, comptons sur cette grâce quand nous trébuchons dans notre rôle ! La grâce de Dieu est vraiment sans limites, spécialement pour celles d’entre nous qui ont du mal à ouvrir une barrière pour bébé.

 

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