Parents-hélicoptère ou parents-phare ?

Par Tim Elmore

Il est naturel de vouloir protéger nos enfants des épreuves et des difficultés, mais comment le faire tout en les équipant pour les réalités de la vie à venir ?

Au cours des dernières années, j’ai lu plusieurs articles traitant de chasses aux œufs de Pâques de quartier ayant dû être annulées. Quelle en était la raison ? Des parents agressifs étaient intervenus sur le terrain pour aider leurs enfants à trouver plus d’œufs, malgré l’interdiction des organisateurs de ces chasses réservées aux enfants. Dans leur désir de s’assurer que leurs enfants reçoivent un maximum d’œufs, ils mettaient tout le nécessaire en œuvre, provoquant des situations où d’autres enfants étaient bousculés, et sans plus aucun œuf à trouver. Bien sûr, ces parents agissaient avec de bonnes intentions.

J’ai aussi entendu parler d’une mère de jumeaux ayant été informée que son voisin s’était fait piquer par une guêpe. Le bruit s’est répandu qu’il avait particulièrement souffert, alors cette maman a décidé qu’il était trop dangereux de laisser ses jumeaux jouer dehors. Elle les a gardés à l’intérieur tout l’été. Encore une fois, un choix très bien intentionné.

En 2012, les médias ont rapporté qu’Aubrey Ireland, 21 ans, étudiante au Conservatoire de musique de l’Université de Cincinnati, avait demandé une mesure judiciaire d’éloignement à l’encontre de ses parents pour « harcèlement ». Ces derniers avaient installé des dispositifs de suivi sur son téléphone et sur son ordinateur, lui rendaient des visites surprises et lui demandaient de rester connecté sur Skype toute la nuit, même quand elle dormait, afin de pouvoir la surveiller. Aubrey avait fini par se dire que leur comportement allait trop loin.

Je suis moi-même père de famille. Je dirige aussi une association qui travaille en lien avec 8000 écoles dans tout le pays. Cela me donne une perspective unique sur l’éducation parentale actuelle. Et au cours de ces dernières décennies, j’ai pu observer que les parents ont peu à peu adopté une nouvelle devise : « Si je veux être considéré comme un bon parent, il faut que je me comporte comme un hélicoptère. »

Au nom de la sécurité et de l’estime de soi de nos enfants, nous planons au-dessus d’eux, cherchant à les préserver de toutes expériences négatives qui pourraient abîmer leur estime d’eux-mêmes ou mettre en cause leur sécurité. Maintenant que mes enfants sont adultes, je commence à réaliser que ma femme et moi avons parfois mieux réussi à protéger nos enfants du monde, que de les préparer à vivre dans le monde. Nous sommes partis d’un faux raisonnement en nous disant qu’« après tout, ce sont nos enfants ! » Du coup, nous n’avons pas appris à faire confiance à Dieu pour leur croissance afin qu’ils puissent, eux aussi, apprendre un jour à s’appuyer sur Lui.

Les enfants grandissent

Quand nos enfants étaient très petits, ils avaient souvent besoin de notre présence attentive et de notre surveillance constante, ils sont tellement sans défense quand ils sont bébés. Cependant, il nous faut savoir nous ajuster à la maturité de nos enfants. Nous devons passer d’un rôle de « parent-hélicoptère » – planant, protégeant, maitrisant tout, et allant même parfois jusqu’à la manipulation et au contrôle – à un rôle de « parent-phare ».

Un phare ne bouge pas de son emplacement. C’est un signal lumineux en communication permanente avec les navires qui passent. Un phare signale sa position ; il avertit les marins du danger et leur dispense de sages conseils – mais il ne poursuit pas les bateaux. En quoi cette analogie s’applique-t-elle aux parents ?

Voici en résumé les différences entre ces deux approches :

Le parent-hélicoptère

  1. Plane au-dessus de l’enfant et cherche à le contrôler.
  2. Suit l’enfant partout.
  3. Lui dit comment se comporter.
  4. Lui fait appliquer des lois et des règles.

Le parent-phare

  1. Regarde comment va l’enfant et communique avec lui.
  2. Ne poursuit pas l’enfant pour lui marteler les règles s’il les connait déjà.
  3. Signale où il se situe sur chaque question.
  4. Propose sa sagesse (lumière) et ses conseils.

Nos enfants ne peuvent pas grandir sainement si on ne les laisse jamais se débrouiller face à des situations qui leur font peur ou à des expériences difficiles. Les enfants ont besoin de prendre des risques calculés pour pouvoir gagner en maturité. Malheureusement, les parents voient souvent toutes formes d’épreuves comme négatives. Nous créons un monde de confort, rempli de smartphones, de micro-ondes et d’Internet. Le message, c’est que les difficultés et l’inconfort sont à éviter ou que nos enfants sont incapables de faire face à des obstacles. Nous comprenons la valeur de l’estime de soi, mais nous avons oublié qu’elle doit être renforcée à travers les défis.

Ce que nous ne voyons pas, c’est que lorsque nous éliminons toutes difficultés de la vie de nos enfants, petit à petit ils deviennent désarmés. Ils perdent des occasions de développer leur résilience, leur créativité et leur capacité à régler des problèmes. Ce sont pourtant là des atouts importants dont ils auront besoin plus tard.

Les Écritures nous rappellent que nous devrions nous réjouir de nos épreuves, parce que ce type de test nous rend plus persévérants. Nous sommes ensuite encouragés à laisser la persévérance produire son plein effet (Jacques 1.2-4). Quand nous intervenons sans cesse pour contrôler le niveau de risque auquel sont exposés nos enfants, ils n’apprennent pas à contrôler une situation ni à se contrôler eux-mêmes. En fait, ils n’apprennent qu’à être contrôlés et à devenir dépendants de nous pour tout.

Cinq scénarios

Regardons brièvement ce que pourrait donner la transition entre la méthode parentale hélicoptère et la méthode parentale phare :

 SCÉNARIO 1

Dans l’aire de jeux du parc, Nathan regarde avec émerveillement les barres de suspension. Ces barres lui semblent un peu effrayantes. Mais doucement, il se met à grimper.

  • Parent-hélicoptère : Ce parent se précipite vers lui en criant : « Arrête Nathan ! Tu pourrais te faire mal. Je vois bien que tu as peur, donc je ne veux pas que tu t’approches de ça avant d’avoir au moins deux ans de plus. »
  • Parent-phare : Ce parent se dirige calmement vers son fils et lui dit : « Qu’est-ce que tu en penses, Nathan ? Tu veux essayer de grimper un peu ? Je suis là pour te regarder. Je me rappelle quand je grimpais sur les barres de suspension à ton âge. Si tu fais attention, ça peut être très amusant. »

SCÉNARIO 2

Zoé, qui est en deuxième année de primaire, a oublié son sac à dos en partant à l’école.

  • Parent-hélicoptère : Sa maman appelle l’école pour les informer que Zoé a oublié son sac à dos. Puis se rend à l’école pour que Zoé n’en subisse pas les conséquences.
  • Parent-phare : Sa maman attend qu’on l’appelle à propos du sac à dos. Elle en discute avec le professeur pour savoir si Zoé ne tirera pas une meilleure leçon du fait de ne pas avoir ses affaires pendant une journée. (Pour cela, il faut penser à long terme, sachant qu’un moment désagréable pourra aider Zoé à ne plus oublier son sac à dos à l’avenir.)

SCÉNARIO 3

Josué a dix ans. Il demande à sa mère s’il peut escalader la petite colline rocheuse qui se trouve au bout de la rue. Il pourrait se faire quelques égratignures.

  • Parent-hélicoptère : « Certainement pas ! Je t’ai déjà répété des centaines de fois que je ne veux pas que tu te casses une jambe sur ces rochers. Pourquoi ne joues-tu pas plutôt dans la maison ? »
  • Parent-phare : « Oui, tant que tu y vas avec un ami et que vous vous aidez l’un l’autre. Je peux te faire confiance pour que tu sois rentré d’ici une heure ? » (Josué va surement se faire quelques bleus ou égratignures, mais il a besoin de développer ses capacités physiques.)

SCÉNARIO 4

Émilie a onze ans. Elle voudrait faire du porte-à-porte pour vendre des biscuits pour son groupe de scouts. Elle préfèrerait ne pas avoir sa mère derrière elle.

  • Parent-hélicoptère : « Ma chérie, tu sais bien que je ne peux pas te laisser faire ce genre de chose sans moi. C’est bien trop dangereux. » (Émilie reçoit le message qu’elle doit éviter tout risque.)
  • Parent-phare : « Tant que tu y vas avec Maggie et que vous restez dans le quartier, je suis d’accord. Amuse-toi bien. Si tu veux aller dans d’autres quartiers, je t’accompagnerais et je t’attendrais sur le trottoir. » (Un bon équilibre entre liberté et sécurité.)

SCÉNARIO 5

Ben a été invité à dormir chez son ami. Il a neuf ans, mais jusqu’à maintenant il a eu trop peur de rester toute la nuit chez quelqu’un d’autre.

  • Parent-hélicoptère : « Je ne crois pas que ce soit une bonne idée. Tu sais très bien que tu finis par te sentir mal dans ces situations. Je pense qu’il vaut mieux dire non, mon bébé. » (Ben apprend à ne pas affronter ses peurs.)
  • Parent-phare : « Est-ce que tu te sens prêt ? Je serais ravie de te voir essayer, Ben. Tu devrais y aller. La maman de Mickael sera contente de t’aider si tu as besoin de quoi que ce soit et puis tu peux m’appeler vers 9 h pour me dire comment ça se passe. »

Dans le fond, quand nous enlevons tous les risques de la vie de nos enfants, nous leur faisons souvent plus de mal sur le long terme que les risques eux-mêmes.

 

Le Dr Tim Elmore est orateur, auteur et président de Growing Leaders, un organisme qui aide à l’émergence de leaders en se fondant sur la philosophie selon laquelle chaque enfant nait avec des capacités de leaders. Son dernier livre s’intitule 12 Huge Mistakes Parents Can Avoid : Leading your kids to succeed in life (12 erreurs que les parents peuvent éviter : amener votre enfant à réussir dans la vie).

Tiré du site web de Focus on the Family © 2015 Tim Elmore. Utilisation autorisée.