Abus sexuel : le chemin de la guérison

Par Louise Madill

De quoi parle-t-on ?

Tout d’abord, il est important de noter que puisque nous sommes des individus entiers, les abus sexuels blessent tout dans la personne qui les subit : son corps, son âme et son esprit.  Les plaies physiques sont généralement celles qui disparaissent le plus vite, même si elles sont, elles aussi, importantes.

Émotionnellement, la douleur ne disparait jamais, cependant, à travers un chemin de guérison, ce qui change, c’est le contrôle qu’à cette souffrance sur la vie du survivant. Tout comme une mère n’oublie jamais la souffrance de la mort d’un enfant parce que c’est une perte irréparable, la blessure laissée par cette perte peut être guérie dans le sens où elle n’est plus complètement paralysante. Donc, les victimes d’abus sexuel ont elles aussi de nombreux deuils à accomplir, comme le deuil de leur innocence et la perte de la protection de personnes en qui elles avaient confiance. La douleur des souvenirs est au départ, pour la plupart des survivants, équivalente à une bombe qui explose. Mais cette douleur peut se mettre petit à petit en retrait dans le fonctionnement quotidien.

Et Dieu dans tout ça ?

Spirituellement, je n’ai jamais rencontré un survivant d’abus sexuel qui n’ait pas de difficulté dans sa relation avec Dieu. Ce qui les reliait à lui a été abimé. La principale question qui les hante est : « Où était Dieu ? Pourquoi n’a-t-il pas arrêté tout ça ? Le long et difficile chemin qu’ils ont à faire à travers une thérapie concerne surtout les domaines spirituel et émotionnel dans lesquels ils ont besoin de guérir. C’est un vrai chemin, pas de banales réponses sous forme de platitudes chrétiennes.

Malheureusement, parfois les conseils d’amis ou de membres de la famille bien intentionnés peuvent aller dans le sens de : « il faut pardonner et oublier. » Mais oublier est humainement impossible. Les circuits de la mémoire sont toujours là. En fait, les survivants essayent d’oublier pendant des années, jusqu’à ce que les souvenirs ou la souffrance explosent. Le déni, comme on l’appelle d’un point de vue clinique, n’est pas une vertu spirituelle. En réalité c’est un mensonge. Pour guérir, il faut pouvoir se souvenir clairement de la réalité sur un plan émotionnel et spirituel pour pouvoir avancer sur le chemin de l’acceptation.

Qu’a fait Néhémie quand il est arrivé à Jérusalem ? Il s’est remonté les manches et s’est immédiatement mis au travail ? Non. Avant d’essayer de reconstruire, il a pris le temps d’examiner sérieusement l’étendue des dégâts sur tous les murs. Le survivant aussi doit prendre conscience de l’étendue des dégâts sur sa vie. Notre tendance est d’essayer de trouver un raccourci, une voie plus facile, mais la réalité c’est que les destructions doivent être relevées en détail et les décombres doivent être dégagés avant de pouvoir passer à la phase de reconstruction. Le pardon fait partie de la phase de guérison et s’il est introduit prématurément cela peut mettre à mal la guérison.

Le fait de se rappeler ouvre la porte à la possibilité future de pardonner. Pour la plupart des victimes, l’une des difficultés principales est de remettre la culpabilité au bon endroit, c’est-à-dire PAS sur leurs propres épaules. Quand cet obstacle est surmonté, le Saint-Esprit peut commencer à travailler dans leur cœur au sujet de la possibilité de pardonner.

Il y a souvent beaucoup d’incompréhension quant à ce qu’est le pardon et ce qu’il n’est pas. Dans la Bible, les bases du pardon de Dieu ne sont rien de doux et confortable. La colère est légitime ! C’est normal d’être en colère face au péché et au mal. Dieu est en colère face au péché. Comment a-t-il réussi à lâcher sa colère envers nous pour avoir péché et à nous pardonner ? La rédemption. Lorsque Jésus a payé pour nos péchés, il a payé Dieu. Dieu a reçu le prix, nous avons été au bénéfice de ce payement, ne lui devant plus rien. Donc la base du pardon semble être un payement.

Un chemin de guérison

Une manière de voir les choses serait : Dieu a été agressé par le péché ; il a été blessé et séparé de ceux qu’il aimait ce qui l’a amené à être en colère, ce qui a amené le besoin d’une punition qui servirait de payement, ce qui a amené à la punition que Jésus a prise sur lui. Pour les victimes d’abus sexuel, qui va payer ? Le concept de pardon propitiatoire est une réponse au besoin de justification des survivants, leur besoin de voir quelqu’un puni. En cela, elles peuvent se sentir comprises et entendues. Elles peuvent s’identifier à un Dieu qui a été blessé et s’est mis en colère, un Dieu qui a fait payer quelqu’un. Et ce payement est suffisant pour toujours. Il les a vengés. Leurs tentatives de punition ne pourraient jamais être suffisantes. Et la bonne nouvelle c’est que Dieu est d’accord avec ça ! Quelqu’un doit payer ! Et quelqu’un l’a fait. Ce qu’il reste à faire pour le survivant c’est de lâcher sa demande de punition.

Le chemin de guérison de ses survivants implique un travail profond les amenant à identifier le mal qui leur a été fait, à laisser ressortir leur colère et leur tristesse, à faire le deuil de ce qu’ils ont perdu et à se débarrasser des pensées et des comportements que cela a créés chez eux et qui les empêchent d’avancer. Ce travail leur permet par la suite de s’approprier la certitude que Dieu n’a pas laissé passer les choses sans rien faire, il a fait payer quelqu’un  et cela suffit. Ils peuvent ainsi lâcher leur profond besoin d’être vengé. Cela a été accompli pour eux et c’est une réponse plus efficace que tout ce qu’ils pourraient eux-mêmes essayer de faire.

Alors pour ceux qui ont été détruits par l’abus sexuel, le chemin qui se présente à eux est un chemin de souvenirs, de deuil et de colère. Ce n’est qu’après cela que le choix du pardon, basé sur ce que Jésus a payé pour eux, peut les amener vers le merveilleux processus de reconstruction de leur vie, avec toute l’espérance que cela représente. En commençant à intégrer leur passé à leur présent et à vivre au-delà des frontières de la souffrance, ils ouvrent les portes d’un avenir rempli de nouveaux possibles et d’une confiance dans le Dieu qui la mérite complètement.

 

Louise Madill possède un cabinet à Vancouver, BC. Sa formation et son expérience l’ont amené à se spécialiser dans le travail de guérison des traumatismes.

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