Un cadeau plein de grâce

Johnny et Vicky ont choisi d’adopter un bébé sachant qu’il serait gravement handicapé. Un choix qui a transformé leur vie pour toujours, et pour le mieux.

Ecrit par Tonya Stoneman

J’ai rencontré Johnny et Vicky Babb à l’automne 1993, alors que je logeais chez eux dans l’état de Géorgie, aux É.-U. Au-delà du paysage champêtre dans lequel ils vivaient, ce qui m’a le plus frappée au sujet des Babb, c’est leur sens de l’hospitalité. Ce sont des gens simples qui vous invitent à vous asseoir sur leur balançoire et à boire un bon thé glacé en regardant les vaches brouter et les oies se balader au milieu de leur cour.

J’enviais la vie simple et calme de ce couple. Mais j’avais aussi de la compassion pour eux. Ils sont les parents de deux enfants adoptés, dont l’un est gravement handicapé. Vicky m’a un jour glissé que cela faisait plus de dix ans qu’elle n’avait pas dormi une nuit complète. Chaque nuit que j’ai passée là-bas, je l’ai entendue se lever pour aller s’occuper de son fils, bien avant le lever du soleil.

Un jour, alors que nous étions assises sur le canapé, je lui ai demandé ce qui les avait menés à adopter leur fils handicapé. Elle m’expliqua que son mari et elle, rongés par leurs problèmes d’infertilité, s’étaient tournés vers des agences d’adoption, vers son gynécologue, vers différents médecins, des avocats et des églises dans l’espoir de pouvoir fonder leur famille. Ils essayèrent d’adopter pendant quatre ans, mais sans que rien ne se débloque. Finalement, après deux années à jeûner et prier régulièrement à ce sujet, ils reçurent une réponse. Ils y virent une intervention divine. Ils purent enfin rencontrer un avocat qui mettait en relation des jeunes mères avec des parents adoptifs, dans un centre pour femmes enceintes à Atlanta.

Ils reçurent alors quelques informations basiques concernant l’une des mères : elle était chrétienne, diplômée, n’avait jamais bu ni consommé de drogues et elle était enceinte de cinq mois. Johnny et Vicky acceptèrent d’adopter son enfant.

Quatre mois plus tard, un dimanche à deux heures du matin, Vicky fut réveillée par un appel de l’avocat. La jeune fille avait commencé le travail et allait accoucher sous peu. Malgré l’adrénaline qui traversa tout son corps, Vicky finit par se rendormir. Le lendemain matin, elle reçut de mauvaises nouvelles. La veille, la mère se trouvait au restaurant lorsque son placenta s’était déchiré. Le temps qu’elle puisse être hospitalisée, son bébé avait manqué d’oxygène pendant une heure entière et il avait subi une hémorragie cérébrale massive.

Johnny et Vicky se rendirent à l’église ce matin-là en sachant que leur enfant avait traversé de terribles difficultés et que sa vie ne tenait qu’aux machines de l’hôpital. Vicky se sentait engourdie, complètement dévastée. « C’était un rêve qui se brisait », se rappelle-t-elle. « Nous avions un bébé qui était extrêmement malade. Nous avons beaucoup pleuré. »

Ils avaient décoré et meublé la chambre de bébé et ils avaient donné leur accord de principe pour l’adoption, mais ils n’avaient signé aucun papier. Le chirurgien de néonatalogie qui s’occupait de leur bébé les poussa à reconsidérer leur choix : « Vous ne voulez pas de cet enfant. Vous devriez attendre le prochain. »

Mais pour eux, il était clair que Dieu leur avait donné des instructions. C’est là qu’il les avait conduits, après deux ans de jeûne et de prière. Vicky était assaillie de questions auxquelles elle n’avait pas de réponses quand le Psaume 15 lui revint en tête. Ce psaume parle d’honorer ceux qui craignent le Seigneur et qui ne reviennent pas sur leur parole. Elle pensa aussi aux paroles de Matthieu 5.37 : « Que votre parole soit « oui » pour oui, « non » pour non ; ce qu’on y ajoute vient du mal. »

Quatorze jours passèrent avant qu’ils ne puissent voir leur enfant. Vicky m’expliqua : « Il avait l’air d’un bébé normal. Je me suis dit qu’il ne pouvait pas aller si mal que ça. Il était tellement adorable. Dès que j’ai posé les yeux sur lui, il a conquis mon cœur. »

Ils l’appelèrent Andrew, l’enveloppèrent dans sa couverture et le ramenèrent chez eux.

Leur minuscule bébé a dû être opéré 19 fois avant son onzième anniversaire. Il a maintenant seize ans et le chemin n’a pas été facile. Ils ont dépensé des centaines de milliers de dollars – si ce n’est des millions – en frais médicaux. Ils ont vécu une pression physique et émotionnelle immense.

Je connais maintenant Johnny et Vicky depuis longtemps. Je les ai vus se résigner avec douceur au rôle que Dieu leur avait donné. Je les ai vus pleurer et supplier d’avoir la force et la sagesse nécessaires pour continuer. Je me rappelle avoir vu un jour Johnny prêcher à l’église, le visage en larmes en évoquant son fils. Le poids de son fardeau avait réussi à faire plier sa nature profondément optimiste. « C’est un feu brûlant, avait-il conclu, mais c’est un bon feu. »

Ce qui témoigne de la grâce de Dieu dans ce monde n’est pas la capacité des chrétiens à accomplir de grandes choses ou à vaincre le mal. C’est la manière dont ils arrivent à répondre à la souffrance de manière surnaturelle. J’ai vu cette inspiration divine chez Johnny et Vicky. Ils sont capables de prendre un passage simple des Écritures, de le croire et de l’appliquer à leurs vies ; depuis seize ans, ils n’ont jamais regardé en arrière. Je ne les ai jamais entendus se plaindre ou remettre en question la fidélité de Dieu.

« Je crois au plus profond de mon cœur que c’est exactement le plan que Dieu avait pour nos vies, ses intentions, son projet pour nous », m’a expliqué Vicky. « Je me rends compte que sans Andrew, je n’aurais pas eu la maturité spirituelle que j’ai aujourd’hui. Il est comme un feu purifiant dans ma vie et je veux l’accueillir comme tel. Si c’était à refaire, je recommencerais. »

Lorsque je pense aux Babb, je pense à des gens qui donnent beaucoup et ne reçoivent pas grand-chose en retour. Mais ce n’est pas ainsi que Vicky interprète leur situation. Elle peut parler pendant des heures de tout ce que son petit garçon lui a apporté : « Andrew nous a appris la patience, il nous a appris à nous accepter et à nous aimer inconditionnellement, à être reconnaissants pour ce que Dieu nous a donné. Il nous a permis d’être transformés dans nos caractères. Nous avons grandi. Nous n’aurions pas été ceux que nous sommes sans lui. »

Ce que Vicky aime le plus chez son fils Andrew, c’est son cœur pour Dieu. Le dimanche, il s’assoit dans le hall d’entrée de notre église et pleure lorsqu’il entend une belle louange. Lorsqu’il reçoit la Cène, il pose les mains sur sa tête pour s’incliner, parce que, lorsqu’il était petit, Johnny et Vicky lui penchaient doucement la tête pour lui montrer comment prier. Andrew sait aujourd’hui dire une dizaine de mots et il embrasse sa mère en retour lorsqu’elle le prend dans ses bras.

Sans Andrew, cette famille ne serait probablement pas là où elle est aujourd’hui. « Nous aurions peut-être eu un bel appartement sur une plage quelque part », a un jour glissé Vicky. « Mais ça nous aurait détruits », ajoute-t-elle avec la sagesse du pèlerin qui a traversé les vallées et les hauts sommets.

Ce qu’Andrew leur a apporté dépasse de loin ce qu’ils pourraient espérer donner en retour. Ils remercient Dieu pour tout cela et dans les temps sombres, ils n’oublient jamais ce qu’ils ont appris dans la lumière.

© 2004 Tonya Stoneman. Tous droits réservés. Utilisation autorisée.