Fausse couche : vivre le deuil

Écrit par Emily Wierenga

 

« 13 semaines. » Les mots sont griffonnés au stylo bleu à la date d’aujourd’hui. J’ai repensé au jour où j’avais noté cela sur mon calendrier, il y a plus d’un mois. J’étais ivre de joie. Après un an et demi à essayer, mon mari et moi avions finalement réussi à concevoir un enfant.

Mon bébé aurait eu 13 semaines aujourd’hui. Il aurait officiellement dépassé la « zone de danger ».

Aurait….

Je me suis forcée à m’asseoir, j’ai pris ma tête entre mes mains et j’ai compté doucement jusqu’à dix. « Pas de nouveau », j’ai murmuré. Je n’en peux plus de pleurer, je suis fatiguée de revivre sans cesse cette peine. Pourtant, il suffit d’une publicité pour un jouet… Chaque fois que mon regard se pose sur une poussette, une minuscule chaussure ou une femme enceinte, je ne peux m’empêcher d’y repenser : mon bébé est parti.

Mon mari tente de me réconforter en me rappelant que nous ne sommes pas seuls. Une réalité qui m’échappe depuis que j’ai fait une fausse couche à six semaines de grossesse. C’est alors que mes amis ont choisi soit le silence, ne sachant que dire, ou m’ont confié leurs expériences dans le domaine. J’ai été choquée d’apprendre qu’une d’elles avait traversé six fausses couches en cinq ans. Si bien intentionnés qu’aient été nos amis, j’étais bien peu consolée de savoir que ma fausse couche n’était peut-être que la première d’une longue série.

Certains amis ont su trouver des mots rassurants. Ils nous ont rappelé que notre petit « Papoose », comme nous nommions notre bébé, nous attendait au ciel, bien vivant et en pleine forme.

Mais au bout du compte, ce ne sont que des mots, des mots impuissants à lutter contre la tristesse sans fond qui menace de me submerger.

 

Apprendre à vivre le deuil ensemble

Mon mari et moi portons le deuil de manière très différente. C’est comme notre manière de manger le repas : il dévore le contenu de son assiette avec une rapidité étonnante sans en laisser une miette, alors que j’ai tendance à mastiquer longuement, jusqu’à ne plus pouvoir avaler une bouchée de plus.

Pourtant, malgré nos différences, nous avons tous deux appris l’importance d’une étreinte qui arrive au bon moment. Souvent, le matin, je m’effondre dans ses bras et il me serre simplement, prenant tout le poids de ma peine sur ses épaules. Et chaque soir, nous prions ensemble que Dieu se serve de cette douleur pour sa gloire et nous accorde la grâce d’un nouvel enfant.

Mon mari m’aide à comprendre que ce n’est pas de ma faute ; que malgré toutes mes précautions et mes prières, rien n’aurait pu sauver notre bébé ! C’est simplement comme ça. J’ai du mal à comprendre réellement le pourquoi d’une telle tristesse dans un monde orchestré par Dieu… sauf quand j’en viens à croire que peut-être, cela aussi passera, et que ma réaction à cette épreuve me rendra plus persévérante. Persévérance qui me ramènera vers l’espérance.

Mais pour le moment, je suis trop triste pour m’en préoccuper. Alors je fais confiance à Jésus pour me guérir en son temps et m’aider à faire preuve de grâce envers toutes mes amies qui sont mamans ou qui attendent un enfant.

 

Déposer nos rêves aux pieds de Jésus

Il est impossible de décrire l’attachement que nous avions à notre Papoose. Même alors qu’il n’était qu’un petit amas de cellules, dès le moment de sa conception nous sommes devenus parents. Nous lui parlions le soir dans notre lit, rêvions de son futur sourire et priions pour lui les mains posées sur mon ventre.

Après avoir appris ma fausse couche, nous l’avons annoncé à mes parents. Cela a été difficile de voir la déception sur leurs visages, la confusion qu’ils ressentaient, n’ayant jamais eu à passer par là. C’était dur d’entendre mon père demander : « Auriez-vous pu faire quelque chose pour éviter ça ? » Je savais qu’il n’avait pas de mauvaises intentions, mais la culpabilité me rongeait déjà. Même si nous n’aurions pas pu éviter cette fausse couche, notre instinct parental nous soufflait que nous aurions dû.

Quand ma mère, qui se bat contre un cancer du sein, a demandé avec ces grands yeux bleus : « Est-ce que c’est parce que je t’ai embrassée trop fort la dernière fois ? » Cela nous a donné une brève occasion de rire au milieu de nos larmes.

Puis, emplis de notre douleur, nous sommes partis passer la journée à la plage. Nous avons construit un petit mémorial en pierre pour Papoose et avons regardé les vagues s’écraser sur le sable, suppliant la marée d’emporter avec elle notre douleur. Allongés sur une couverture, nous avons repensé à tous les rêves que nous avions formés pour ce merveilleux bébé, puis nous les avons déposés devant Dieu. Nous avons laissé le vent sécher nos larmes et le ciel immense apaiser nos cœurs.

La plage est restée au-dedans de moi longtemps après cette journée. Il m’est arrivé à plusieurs reprises de fermer les yeux et de sentir la piqûre du vent sur mes joues. Puis, le jour où mon placenta a effectivement quitté mon corps, j’ai vu les vagues écumer devant moi alors que je lisais ce verset dans ma Bible : « Il donne une famille à celle qui était stérile, il fait d’elle une mère joyeuse au milieu de ses enfants. Louez l’Éternel ! » (Psaume 113.9)

C’est un verset que je choisis de croire, malgré le sang et la douleur. C’est un verset auquel je m’accroche alors que les publicités pour jouets défilent ou que je rends visite à mes amies qui viennent d’accoucher. Et c’est un verset qui sera ma joie le jour où je rencontrerai enfin Papoose face à face dans le royaume promis par mon Dieu.

Emily Wierenga

 

Faire face à une fausse couche

Malheureusement, les grossesses n’arrivant pas à leur terme sont relativement fréquentes. On estime qu’environ 20% des grossesses se terminent par une fausse couche. Cela dit, l’insoutenable douleur liée à cette perte n’a absolument rien d’anodin. Pour beaucoup de couples, cette peine reste très privée, ce qui fait que la communauté qui les entoure a souvent du mal à savoir comment réagir ou aider.

De nombreuses femmes qui passent par une fausse couche traversent quelques-uns ou la totalité des sentiments suivants :

– Culpabilité

– Dépression

– Colère

– Jalousie

– Repli sur soi

– Tristesse profonde

– Peur

Le mari peut ne pas toujours comprendre tous ces états, en particulier du fait qu’il y a une part de cela qui est liée aux réalités hormonales de la grossesse que seule la femme vit. De plus, avant l’arrivée effective d’un bébé, une grossesse semble souvent plus réelle à la femme qu’à l’homme. Les hommes passent aussi par un deuil, mais il est différent.

Si vous avez traversé une fausse couche, laissez-vous le droit l’un à l’autre d’exprimer votre douleur de la manière qui vous convient. C’est réellement un temps pour prendre soin de votre mariage. Parlez ouvertement de vos rêves et de vos espoirs, de vos peurs et de votre peine. Donnez à votre bébé une identité. Cela vous permettra de faire le deuil d’une personne, non d’une idée. Passez du temps ensemble et faites des activités que vous aimez. Passez du temps ensemble devant Dieu dans la prière et dans sa Parole pour y trouver force et réconfort. Et passez aussi du temps seul avec Dieu, dans l’intimité. Sentez-vous libre de partager aussi votre peine avec certains proches, familles ou amis, votre pasteur ou un conseiller chrétien.

Wendy Kittlitz (Conseillère pour Focus on the Family)

 

Emily Wierenga est une auteure qui vit à Neerlandia en Alberta. Elle a écrit le livre Chasing Silhouettes: How to Help a Loved One Battling an Eating Disorder au sujet des troubles du comportement alimentaire.

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