Dieu, l’église et la révolution sexuelle

Écrit par Subby Szterszky

Et si les chrétiens s’interrogeaient enfin honnêtement sur la subculture de la honte qui existe dans nos églises ?

Si nous nous penchions sur ce que signifie être des êtres sexuels, créés à l’image de Dieu ?

Si nous nous rappelions que nous nous épanouissons réellement quand nous vivons en harmonie avec le plan de Dieu ?

Si nous laissions derrière nous les promesses vides de la révolution sexuelle pour proposer au monde une histoire plus belle ?

Ces questions sont au cœur du nouveau livre de Glynn Harrison, Une histoire plus belle : Dieu, le sexe et l’épanouissement de l’humanité[1]. Harrison est ancien professeur, chef du département de psychiatrie à l’Université de Bristol, au Royaume-Uni. Il écrit et parle au sujet de la foi chrétienne en lien avec la psychologie, la culture et la condition humaine.

Dans son livre, il soutient que la révolution sexuelle a eu autant de succès parce qu’elle présentait un récit percutant, fait de liberté et d’authenticité et particulièrement attrayant sur le plan des instincts moraux de notre culture post-conflits mondiaux. Pour réussir à entrer en discussion face à ce récit, les chrétiens ne peuvent pas se contenter de faits et d’arguments. Il nous faut présenter une alternative plus belle de l’épanouissement et de la liberté des êtres humains qui sera à même d’attirer à nouveau le cœur et l’esprit des gens. Pour cela, Harrison déploie une stratégie composée de trois éléments : une meilleure compréhension de l’idéologie derrière la révolution sexuelle ; une meilleure critique de cette idéologie basée sur un raisonnement biblique plutôt que sur des réactions viscérales ; et une histoire plus belle à raconter, l’Évangile, que les chrétiens doivent apprendre à vivre pour pouvoir le partager.

Premier volet : mieux comprendre

Harrison consacre le premier tiers de son livre à examiner les réalités et les croyances qui ont conduit à la révolution sexuelle. Il y étudie également les méthodes employées par ses défenseurs pour gagner l’adhésion du plus grand nombre. Loin d’en faire un exercice académique ennuyeux, Harrison présente une introduction qui se révèle non seulement convaincante, mais tout à fait essentielle. Après tout, si les chrétiens veulent pouvoir offrir une plus belle histoire de la sexualité humaine, il faut que nous comprenions l’histoire qui est en face, en dépassant les stéréotypes simplistes et les généralisations abusives.

Les racines de ce mouvement remontent à plus d’un demi-siècle, dans les années qui ont suivi la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les conditions sociales et économiques avaient changé, donnant aux femmes et aux minorités de nouvelles opportunités, autant culturellement que dans le monde du travail. Les gens sont devenus de plus en plus sensibles à la détresse de ceux qui étaient marginalisés par la culture dominante pour leur différence. En parallèle, le sens moral général s’est déplacé, passant des principes absolus servant le bien de la société en général aux besoins et préoccupations de l’individu. À son tour, cet individualisme a permis l’émergence d’une forme de gnosticisme, élevant les sentiments personnels au-dessus de la réalité physique, particulièrement dans le domaine de l’identité sexuelle.

Cependant, comme le souligne Harrison, de tels faits et idées ne sont pas suffisants pour toucher le cœur et l’esprit de quelqu’un. C’est là qu’intervient le pouvoir des histoires : elles viennent distiller ces théories par un récit qui enflamme la volonté de changer le monde et réveille l’imagination. Depuis des dizaines d’années maintenant, les défenseurs de la révolution sexuelle se sont servis de la culture populaire et d’histoires vraies pour tisser la chronique d’une résistance héroïque contre une société oppressive, à laquelle l’église ou la religion sont souvent associées. Et cette histoire s’accompagne d’une promesse d’épanouissement et de liberté à travers l’expression de notre sexualité, libérée de la morale dictée par des traditions archaïques.

Le résultat est clairement révolutionnaire, en ce qu’il représente un retournement complet de la situation. Alors que la morale traditionnelle judéo-chrétienne a pendant longtemps été la voix dominante dans les sociétés occidentales, elle est maintenant devenue presque intolérable sur la scène publique laïque. Pour reprendre les mots d’Harrison, les chrétiens « orthodoxes » sont de plus en plus perçus comme une minorité immorale aux yeux de la culture ambiante. Si l’on se place du point de vue de l’église, c’est comme si l’équipe qui jouait à domicile devient soudain l’équipe extérieure.

De son côté, l’église n’a pas toujours réagi de la meilleure des manières, et c’est le moins que l’on puisse dire. De nombreux chrétiens se sont retranchés sur des positions défensives, cachés derrière leurs faits et leurs arguments. Ils ont mis en avant ce contre quoi ils s’élèvent plutôt que ce pour quoi ils sont favorables. Mais Harrison affirme que cela est contre-productif, comme nous pouvons le constater. Pour regagner une place à la table des discussions, sans même parler de regagner les cœurs et les esprits, les chrétiens doivent donner à entendre (et à voir) une alternative bien plus engageante et intéressante, une vraie histoire d’épanouissement et de liberté. Et notre histoire, si elle est ancrée dans ce qu’offre la Parole, a tout pour être bien plus attrayante que ce qu’a à proposer la culture issue de la révolution sexuelle.

Deuxième volet : une meilleure critique

Par où commencer une tâche aussi gigantesque ? Harrison propose comme premier pas de s’examiner soi-même. Trop souvent, l’attitude de l’église à l’égard de la sexualité a été ternie par une culture de honte et d’hypocrisie qui l’a fait basculer dans une logique de jugement et d’exclusion. Des questions légitimes, sans même parler des luttes sexuelles de beaucoup, ont été balayées par des réponses simplistes. Des problématiques sensibles telles que l’homosexualité ou les questions de genre ont été qualifiées de bien pires que tout autre péché sexuel. Plutôt qu’une approche basée sur la grâce et la sagesse de la Parole, ces questions ont reçu comme réponse de dégoût et une peur viscérale. Ces attitudes au sein de l’église ont contribué à renforcer le discours de la révolution sexuelle, aussi sûrement que les changements sociaux et philosophiques de ces dernières décennies. Les chrétiens d’aujourd’hui doivent assumer cette réalité et s’en repentir, surtout quand ils sont en face de personnes qui ont été blessées dans ce domaine. Plus encore, Harrison nous appelle avec force à faire preuve de reconnaissance quant à la révolution sexuelle, puisqu’elle a l’avantage d’avoir mis en lumière nos incohérences et de nous obliger à repenser notre approche de la sexualité en étant plus fidèles à ce qu’en dévoile l’Écriture. Elle nous oblige à redécouvrir nous-mêmes combien la sexualité fait partie du plan merveilleux de Dieu pour l’humanité et son rôle dans l’histoire de rédemption qu’enseigne la Bible.

Une fois que nous avons retiré la poutre de notre œil collectif, nous pouvons avancer vers une critique de la révolution sexuelle plus objective. Comme le souligne Harrison, la révolution promettait une plus grande plénitude à travers des relations sexuelles plus fréquentes et de meilleure qualité. Cependant, les études menées sur le sujet ont plutôt démontré le contraire : en moyenne, les gens ont aujourd’hui moins de relations sexuelles et un degré de satisfaction inférieur quant à leurs relations. Il semblerait que l’approche individualiste et sans attache ait plutôt appauvri l’expérience de l’intimité pour beaucoup, plutôt que de l’enrichir.

Depuis le départ, la vision morale de la révolution a été liée à la notion de justice pour les opprimés et les marginalisés, en particulier pour les femmes. Aussi admirable que cela soit, la mise en œuvre de ces pensées a aussi produit des effets contraires à ceux qui étaient espérés. Par exemple, dans de nombreuses cultures, le mariage sert à attacher les hommes à leur responsabilité de prendre soin de leur femme et des leurs enfants. Ainsi, le déclin des mariages traditionnels a simplement donné plus de possibilités aux hommes d’échapper à ces responsabilités. Ces inégalités sont encore plus prononcées dans les milieux pauvres, où les gens se marient encore moins, diminuant de ce fait les chances de leurs enfants sur le plan de la santé, de l’éducation et du travail.

L’histoire de la révolution sexuelle est partie d’une quête d’identité – une identité qui serait à découvrir à l’intérieur de soi-même et à construire par soi-même. Mais une entreprise aussi subjective, conduite par la pression culturelle constante de se réinventer à travers les réseaux sociaux, a mené à une fragmentation de l’identité et à un affaiblissement des relations personnelles et sociales. Cela a mis en place une culture de la victimisation dans laquelle le plus petit désaccord concernant ses croyances est perçu comme une attaque personnelle. Et cela a ouvert la voie à l’idéologie du genre, une expérimentation sociale dénuée de bases objectives, imposée à des enfants de plus en jeunes, avec des conséquences potentielles incalculables sur leur santé future.

Troisième volet : une alternative plus belle

Après avoir exploré en profondeur le récit de la révolution sexuelle et ses incapacités à remplir ses promesses, Harrison consacre la dernière partie de son livre à l’histoire bien plus belle et intéressante que les chrétiens ont à proposer au monde. Comme pour toute histoire qui se veut efficace, celle-ci doit présenter ses idées d’une manière marquante, destinée à saisir l’imagination de son public. Harrison résume ces idées en parlant des cinq piliers de la vision biblique de la sexualité et des relations.

Le premier pilier est basé sur le fait que Dieu a parlé et révélé la réalité afin que nous n’ayons pas besoin de tout comprendre par nous-mêmes. Deuxièmement, Dieu nous accueille dans sa réalité, qu’il nous a révélée à travers la nature et de manière encore plus parfaite à travers sa Parole et son Fils, Jésus. Troisièmement, en tant que créatures de Dieu, nous nous épanouissons quand nous nous plaçons dans le sens de cette réalité plutôt que quand nous allons à son encontre. Quatrièmement, notre identité n’est pas à trouver en nous-mêmes ou à construire par nous-mêmes. Elle nous est révélée par Dieu. Et cinquièmement, quoi qu’il arrive dans notre monde déchu, même le péché, la souffrance et les difficultés, Dieu est bon.

C’est dans ce cadre que se déploie le récit de l’Évangile ; la rédemption de la création de Dieu, notre réconciliation avec lui et notre transformation à l’image de son Fils. Dans cette vision, l’épanouissement de l’être humain correspond à la restauration de l’image de Dieu en nous, créative, porteuse de fruits, relationnelle et reflétant le caractère de Jésus. C’est aussi le chemin de la croix, par lequel nous nous soumettons à Dieu et apprenons à redevenir porteurs de son image, de sa gloire.

Dieu est trois personnes qui vivent une relation de parfait amour et d’intimité depuis toujours. De la même manière, il nous a créés pour vivre une relation d’intimité avec lui. Notre sexualité a été pensée pour refléter cet idéal. Comme l’explique Harrison, nos désirs sexuels sont comme une sorte de signal radio qui nous dévoile quelque chose de l’affection passionnée de Dieu à notre égard, un phare qui nous permet d’entrevoir cette union ultime et parfaite dont nous jouirons avec lui au temps de la nouvelle terre et des nouveaux cieux.

Harrison reconnaît que de parler ainsi de la sexualité suscite de la gêne pour de nombreux chrétiens. Mais il rappelle aussi que Dieu lui-même utilise ce type de langage pour décrire sa relation à son peuple à travers la Bible, terminant en apothéose avec, dans les cieux, le mariage entre Jésus-Christ et sa fiancée, l’Église. Bien sûr, cette relation passionnée est toujours présentée en lien étroit avec la notion de fidélité et les fruits qu’elle produit. C’est pour cette raison que la sexualité humaine est amenée à s’exprimer exclusivement dans le cadre du mariage et de l’engagement entre une femme et un homme.

Alors, en tant que chrétiens, comment pouvons-nous témoigner efficacement de cette histoire merveilleuse ? Nous devons commencer par nous la dire à nous-mêmes, commencer par nous immerger dans la Parole, méditer sur les beautés de Christ et sur l’étendue de l’investissement de Dieu pour notre épanouissement, avec toutes ses implications stupéfiantes. C’est ainsi que nous deviendrons cette histoire, que nous la vivrons dans nos familles et dans nos églises. Nous nous y plongeons avec passion parce que nous la trouvons belle, et non plus parce que nous sommes censés la trouver belle. Ensuite, nous pouvons aller à la rencontre de notre culture avec ce beau bagage. Nous pouvons rejoindre les gens là où ils sont, en parlant un langage de compassion et de justice sociale aussi bien que de principes éternels. Dans cette démarche, nous recherchons l’épanouissement de tous, aussi bien que celui de chacun. Et nous racontons notre histoire à travers des artistes aussi bien qu’à travers des exégètes qui, non seulement transmettent la vérité avec amour, mais sont aussi là pour exalter sa beauté et sa grâce.

Harrison ne fait preuve d’aucune naïveté quant à la manière dont notre histoire sera reçue par une culture baignée d’individualisme et d’égocentrisme. Pourtant, il nous pousse à la raconter quand même, pour le bien du monde et pour la gloire de Dieu.

Conclusion

Une part bien trop importante du discours entourant la révolution sexuelle a été saturée de négativité : attitudes défensives, arguments hypocrites et contre-arguments blessants. Mais Glynn Harrison nous montre la voie vers une approche plus engageante et plus positive. Plutôt que de chercher à épuiser nos adversaires en les assommant de plus de faits et d’informations, cherchons à éveiller leur intérêt par notre histoire qui offre une vision plus puissante, plus profonde de la liberté et du bonheur. Plutôt que d’essayer de remporter le débat, concentrons-nous sur le fait de gagner des cœurs et des esprits. Peut-être n’arriverons-nous qu’à leur faire penser qu’ils aimeraient que cette histoire soit vraie. Mais après tout, c’est là que commence tout réel changement.

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[1] Livre en anglais intitulé A Better Story: God, Sex and Human Flourishing.